Couple de gardiens : retraite de l’un, quoi de possible pour l’autre ?
Cet article a été rédigé par Maître Anne BRULER, Avocate exerçant depuis plus de 20 ans, spécialisée en droit du travail ; elle a développé une expertise des conventions collectives des gardiens et employés d’immeuble et assure de nombreuses consultations juridiques, notamment dans le cadre du salon de la copropriété.
En partenariat avec le MAG’ des Gardiens, elle propose également une permanence juridique gratuite à son cabinet ou par téléphone, le premier mardi de chaque mois, entre 14 heures et 16 heures.
Pour toute information ou demande de consultation, vous pouvez nous adresser un mail : contact@lemagdesgardiens.com
La question des contrats liés ou avec clause contractuelle d’indivisibilité revient souvent à l’occasion de la rupture du contrat de l’un des conjoints, que ce soit pour une prise de retraite ou suite à une séparation du couple, suivi de la démission du partenaire.
Le cas est classique :
« Mon mari et moi avons été embauchés en couple de gardiens dans un très grand ensemble immobilier. Mon mari, plus jeune que moi, a 58 ans et 30 ans d’ancienneté. Nos contrats prévoient une clause d’indivisibilité. Nos tâches sont parfaitement distinctes et mes tâches pourraient être assurées par la gardienne de l’immeuble voisin. Si je pars à la retraite, mon mari peut-il continuer à travailler et conserver la loge ? »
Lorsque les contrats de travail de deux salariés comportent une clause d’indivisibilité, il appartient au Juge d’apprécier si cette clause est justifiée par la nature du travail à accomplir et proportionnée au but poursuivi. Le Juge doit également apprécier si la poursuite du second contrat de travail est rendue impossible par la rupture du premier. Une clause de résiliation du contrat de travail ne dispense pas le Juge de rechercher si la rupture a une cause réelle et sérieuse.
Dans cette situation, en dehors de quelques tâches communes éventuelles, chacun des époux a des tâches spécifiques qu’il peut remplir sans l’aide de l’autre.
Ainsi, malgré le départ en retraite de Madame, la poursuite du contrat de travail de Monsieur n’est pas impossible.
Il faut rechercher si les tâches communes peuvent être accomplies par le mari seul, jusqu’à son propre départ en retraite, moyennant l’aménagement des heures d’ouverture de la loge et complété par l’embauche d’un employé d’immeuble non logé.
Dans ces conditions, le licenciement du gardien sur la base d’une clause d’indivisibilité serait réputé sans cause réelle et sérieuse suivant la jurisprudence (Cour d’Appel de Paris 13 janvier 2016, N°13/03210).
Ces principes ont été reconfirmés par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 11 septembre 2019 (Cour d’Appel de Paris, Pôle 6 Chambre 8, arrêt du 11 septembre 2019, RG n°17/11993).
Constatant que chaque gardien avait des tâches spécifiques que l’un pouvait remplir sans l’aide de l’autre, et que les tâches incombant au gardien dont le contrat avait été rompu en premier, pouvaient être effectuées soit par le gardien maintenu, soit par une tierce personne (sous-entendu une société de nettoyage), la Cour a considéré qu’il n’était aucunement démontré que les emplois occupés par l’un et l’autre des gardiens étaient indissociables.
Maître Anne BRULLER Avocate